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Le mythe de Mapout

réalisé par Mbog Len Félix MAPOUT – Cameroun – 2014 – 59 mn

Synopsis

Dans mon enfance, j'entendais beaucoup parler d'un certain Yetna Léba et d'un certain MakandePouth. On disait que les « maquisards » étaient des « mintonba » et qu'ils avaient versé beaucoup de sang et blessé les cœurs de plusieurs familles, qu'ils étaient capables de violer une fille devant ses parents ou demander à un père de coucher avec sa fille devant lui, qu'ils étaient des hommes qui vivaient dans la forêt et se métamorphosaient également, raison pour laquelle on n'arrivait pas à les identifier.

Aujourd’hui, je suis adulte, ma mère et certains de mes oncles m'expliquent certaines choses passées qui ont trait à mon père quand il vivait: l'histoire de sa capture dans les maquis pendant la lutte indépendantiste des années 50 ; l'histoire de sa rencontre avec ma mère ; l'histoire de son exil au Cameroun Britannique ; l'histoire de sa détention à la prison principale d'Edéa et celle de sa réintégration sociale à Yaoundé.

Ils m’expliquent aussi que le regroupement des populations était en vigueur à l’époque. Mon père vivait dans les maquis, lui, bon nombre d’hommes du village et certaines femmes braves. Ils vivaient retranchés dans des cavernes enfouies dans la brousse du village. Il fallait de temps en temps sortir pour s’approvisionner en vivres sous le danger permanent d’être pris par les miliciens contre-révolutionnaires qui s'attelaient à tout brûler systématiquement : maisons, champs et plantations. Mon père a pris ce risque un jour et mal lui en a pris car il a été capturé.

On m’explique qu'il avait été ligoté aux pieds et une main était jointe sur son cou. On l’entraînait sous l’œil vigilant d'au moins quatre miliciens armés de fusils automatiques. On l’amenait pour l’exécuter lui et 2 autres. Ces derniers avaient eu la chance d'être relâchés avec l’intervention de gens hauts placés qui les connaissaient. Et mon père seul était finalement conduit, mais un miracle s'est produit comme si le ciel venait à sa rescousse.

On m’explique qu’il a demandé en chemin à uriner. Lorsqu’on l'accompagnait au petit coin, il a bondi dans un ravin. On le crut mort par ce geste suicidaire. Certains m’expliquent que les liens s'étaient déliés et qu'il avait pris la fuite sans être atteint par les tirs nourris de ses poursuivants. Et d’autres disent qu’il s’est volatilisé. Mon père s'est retrouvé dans une brousse près du village de ma mère. C'est dans cette cavale qu'il a connu ma mère et qu’ils se sont aimés et promis de se marier.

Le village de ma mère n'avait pas de comité de base de l’Union des Populations du Cameroun (UPC). Mon grand-père maternel était le chef. Mais il avait aidé mon père à s’enfuir pour l’exil au Cameroun Britannique, pendant sa cavale où ma mère aussi le rejoignit. Ils eurent leur premier enfant là-bas, mon frère aîné Ruben, nommé ainsi parce qu’il est né pendant qu’on assassinait le leader nationaliste Ruben Um Nyobe dans son maquis.

Entre temps, mon grand-père maternel fut arrêté et enfermé pour sa complicité dans la fuite de mon père. Il mourut et fut enterré non loin de la prison principale d’Edéa.

Après leur retour d'exil, mes parents repartirent au village d'où mon père s’était enfui auparavant.

Ils furent accueillis d'abord par d'autres anciens « maquisards » qui jubilaient naïvement d’avoir bénéficié d’une amnistie qui garantissait le pardon et la réconciliation des anciens « maquisards » avec l’administration coloniale à Douala. Mais c'était une joie de courte durée.

Dès leur retour au village, les répressions colonialistes augmentèrent. Plusieurs accusations dont ils avaient été pardonnés furent à nouveau remises à jour. Mon père, Joël TANG et Pierre BIKELEL qui sont les témoins dans mon film, furent incarcérés à la prison principale d'Edéa.

Mon père est décédé en 1991 des séquelles de la guerre et des répressions colonialistes mais ses expériences dans les maquis et son implication dans la lutte indépendantiste ont marqué plusieurs esprits dans la famille. Les gens en ont fait des mythes populaires.

biographie

Après des études dans le domaine des Arts du spectacle à l’Université de Yaoundé, Félix Mbog-Len Mapout réalise ses premiers films documentaires. En 2012, Il est diplômé du Master 2 Réalisation documentaire de création à l’UGB de Saint-Louis (Sénégal) où il réalise deux courts métrages et développe l’écriture de son premier long métrage documentaire “Le Mythe de Mapout”. En parralèle, Félix Mbog-Len Mapout est enseignant-formateur.

 

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