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Vivre ici

Réalisé par : Mohamed Zran – Tunisie – 2009 – 2h04 min - Arabe, Français, Sous-titres anglais

Synopsis :

Derrière le comptoir de sa boutique, Simon, un épicier de confession « juive », est depuis toujours, le confident, le guérisseur et la mémoire des habitants de Zarzis, une petite ville du sud-est Tunisien.

Dans sa boutique, une galerie de portraits se croise : Tahar l’instituteur progressiste ; Hadi le peintre maudit; Fatma la marieuse; Béchir le chauffeur de taxi…

Tour à tour, l’épicerie se transforme en tribune politique, philosophique, où chacun donne sa vision du monde.

Centre Diocésain, 11 novembre à 20:00.

Note d'intention

Ce film documentaire de création a pour objectif de cerner, à partir de la réalité d’une ville moyenne comme Zarsis, les mutations et les bouleversements profonds que les sociétés du Sud sont en train de vivre sous l’effet de plusieurs facteurs aussi bien endogènes qu’exogènes.

Notre démarche consiste à montrer, par le biais d’une galerie de portraits, que ces mutations sont vécues comme un face à face entre tradition et modernité, entre ceux qui, tout en étant ouverts au dialogue avec l’Autre, demeurent jalousement attachés à leur racine identitaire et culturelle locale ; et ceux qui s’appliquent à garder le visage tourné exclusivement vers la modernité ou au contraire vers des chimères fondamentalistes, d’où les tentations à l’émigration clandestine, l’endoctrinement islamiste et les désespérées réactions suicidaires.

C’est Simon, le « célèbre » droguiste, de confession juive qui incarne l’attachement infaillible à la mémoire collective locale. C’est un essaim de jeunes fragilisés par ces mutations qui illustrent la deuxième voie. Ce face à face trouve souvent dans le magasin de Simon, lieu de croisement et de rencontre entre tous les protagonistes, l’occasion propice d’échanger leurs points de vue ou de confier leurs intimes secrets.

Autour de Simon se meut une constellation de portraits : Tahar, mon frère l’instituteur, le progressiste qui s’enflamme joyeusement à commenter la situation dans le monde et à énumérer les maux qui rongent l’homme d’aujourd’hui victime de la mondialisation ; Hadi, le peintre maudit expulsé de Fatma, la marieuse qui ne chôme jamais, en hiver comme en été, toujours sollicitée à glaner les secrets des familles et à jouer la médiatrice, l’entremetteuse, la messagère ; Bachir, le chauffeur de taxi, homme jovial et serviable, ami de tout le monde… Ces hommes et ces femmes fréquentent tous le magasin de Simon, le juif, pour s’approvisionner en produits multiples et aussi pour discuter entre eux et parler d’eux-mêmes, de leur ville et du monde.

Mohamed Zran

Critiques

Une petite ville du littoral du Sud-Est tunisien, Zarzis. Au centre, sur une place, une épicerie. La caméra se loge dedans et regarde au dehors, à contre-jour. Sur la place, un peintre assis devant son tableau. On entre, on achète, on discute, on sort. Ce qui est fulgurant dans le film de Mohamed Zran, c'est que quelques personnages simples du fond du Sud tunisien nous concernent au premier chef, et nous parlent de l'état de notre monde.

C'est la magie documentaire et cela ne marche que lorsqu'il y a écriture de cinéma. Cela passe par un respect profond des êtres et une écoute qui prend le temps de voir. Attentif au réel, Zran ne refuse aucunement la mise en scène. Il fait parler des personnages dans un taxi jaune décapotable, lunettes de soleil sur le nez. Il joue des perspectives pour souligner un point de vue. Il médite sans commentaire mais en musique, laissant résonner les personnages qu'il nous rend familiers. Peu à peu, il tisse une toile alliant diversité et dialogue, légèreté et gravité.

Zarzis ne se limite pas à son espace : ceux qui sont partis reviennent s'y marier, des étrangers s'y établissent, des natifs y retournent, riches de leur vécu du monde. Comme partout sur la planète, l'ici et l'ailleurs se mêlent inextricablement. L'épicier juif Simon, lui, n'est jamais parti. Pas plus que ses aïeux, venus il y a quatre générations. Une cliente lui demande pourtant s'il vient d'Israël…Le film lui tourne autour car il incarne à la fois une permanence et une tension, celle de ses origines dans un monde qui se crispe tout en ne pensant qu'au départ. Il détient la mémoire des plantes traditionnelles : on le consulte pour se faire soigner. Il ne quitte guère son échoppe : c'est tout un peuple qui vient à lui. Il fait partie de ceux qui savent encore écouter, qui n'ont pas renoncé à la générosité. Son regard perçant porte bien plus loin que la place de son perron.

Et Zran sait dénicher ceux qui savent encore rêver. Ils ne sont pas glorieux, simplement engagés comme l'instituteur ou l'artiste handicapé. Simplement occupés à survivre, comme le vendeur de bibelots aux touristes. Simplement lucides comme cet homme qui ne voit dans la ligue arabe qu'un cercle de familles au pouvoir. Ils sont simples mais humains, et partant magnifiques. "Tous les problèmes d'insécurité nous concernent", dit l'artiste handicapé. Leur conscience du monde est totale. Si bien que lorsque s'opère la rencontre des contraires, tant sociaux que culturels, c'est le monde qui emplit le film. On communique alors en dessinant sa vie sur le sable ou en cherchant l'équilibre en se tenant par la main. Et ce film bourré de sensibilité atteint une subtilité rare. Il peut alors se clore sur l'oscillation des plateaux de la balance de Simon, frêle recherche d'équilibre d'un monde qui attend le bonheur.

Olivier Barlet – Critique Africultures

Mohamed Zran

Mohamed Zran, né le 23 août 1959 à Zarzis, est un scénariste, réalisateur et acteur tunisien.

Titulaire d'un diplôme d'études supérieures cinématographiques à l'École Supérieure Libre d'Études Cinématographiques de Paris, il travaille comme assistant réalisateur de Cyril Collard. Par la suite, il interprète le rôle de Mohamed dans le film Alger la blanche (1986) de Collard et le rôle du Père au téléphone dans le film Bye-bye (1995) de Karim Dridi. Il réalise son premier court métrage Virgule en 1987, puis écrit et réalise les films Le Casseur de pierres en 1989 et Ya Nabil en 1993. En 1996 sort son premier long métrage, Essaïda où Zran évoque les thèmes de la marginalisation, de la pauvreté et du crime à Tunis. À sa sortie, le film remporte un succès populaire phénoménal et marque de manière importante le cinéma tunisien. Zran réalise ensuite le documentaire Le Chant du millénaire en 2002, puis le film Le Prince, en 2004, qui remporte le prix du meilleur montage au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. En 2009 sort Vivre ici, dans lequel Zran aborde, à travers sa ville natale du sud de la Tunisie, Zarzis, l'immigration, la religion, la diversité et les possibilités d'une coexistence pacifique. Zran remporte la même année avec ce film le prix du meilleur réalisateur au Festival cinématographique d'Abou Dhabi.

Il compte sortir le 14 janvier 2012 un documentaire intitulé Dégage et constitué d'images prises « sur le vif » lors des différentes manifestations de la révolution tunisienne de 2010-2011, commémorant ainsi le premier anniversaire de la fuite de l'ancien président Zine el-Abidine Ben Ali.

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